Stéroïdes anabolisants – Ennemi public No 1 de la fertilité masculine ?

Préface

Phénomène nouveau, l’abus de drogues de performance tels les stéroïdes anabolisants qui affectent substantiellement la fonction reproductive masculine. Il est temps de sonner l’alarme car ce phénomène prend de l’ampleur en s’étendant à une portion de plus en plus importante de la clientèle masculine, ce qui pourrait rapidement faire des stéroïdes anabolisants l’ennemi public No 1 de la fertilité masculine !

Introduction

L’importance de l’image corporelle n’est plus seulement limitée à la femme. Signe des temps et probablement d’un profond malaise de la masculinité dans notre société actuelle, elle atteint maintenant les hommes. Depuis plusieurs décennies, la testostérone et ses dérivés synthétiques sont utilisés pour leur propriété anabolique et androgénique. Restreintes initialement aux professionnels du culturisme, ces substances sont récemment devenues très populaires auprès du commun des mortels, qui s’entraînent dans un gymnase avec l’ambition d’hypertrophier leurs muscles. Ainsi, il y aurait plus de 3 millions d’utilisateurs de stéroïdes anabolisants et androgéniques (SAA) en Amérique du Nord et avec une prévalence en forte augmentation, on ne peut être que très inquiet quant aux conséquences graves que ces produits peuvent avoir sur la fertilité masculine à court et long terme. D’autant plus que de 15-25 % des « suppléments alimentaires, protéiniques et autres », supposément libres de SAA, en seraient contaminés.

Classification des stéroïdes anabolisants et androgéniques (SAA)

Les SAA sont généralement classifiés selon leur voie d’administration :

  1. Les SAA oraux (17α-alkyles), qui ont généralement une courte demi-vie. Les plus connus sont le stanozolol, l’oxandrolone et la méthyltestostérone;
  2. Les SAA parentéraux, qui nécessitent d’être administrés par injection. Leur demi-vie est plus longue. Il existe quatre composés actifs : la testostérone, la 19-nortestostérone, la boldérone et la trenbolone.

 
Ils peuvent également être classifiés selon leur principal effet :

  1. Effet de type Testostérone : très puissant et qui favorise le gain d’une force musculaire avec un ratio anabolique : androgénique d’environ 1 :1, soit similaire à la testostérone naturelle;
  2. Effet de type Dihydrotestostérone : très puissant, mais hautement androgénique, comme le stanozolol et l’oxandrolone;
  3. Effet de type Nandrolone; moins puissant, mais avec un ratio élevé anabolique : androgénique; leur activité progestative inhibe encore plus l’axe hypothalamo-hypophysaire. On y retrouve la nandrolone et la trenbolone.

Programmes de musculation : Cocktails et Cyclicité

L’information concernant l’utilisation non médicale des SAA est difficilement accessible. Certains programmes de musculation suivraient des modèles assez typiques. Différents composés oraux et injectables seraient combinés (cocktails) et auto-administrés pendant 4 à 12 semaines. L’objectif viserait à prévenir les effets secondaires d’un composé unique à hautes doses, en employant plutôt simultanément de multiples drogues, mais à faibles doses. Ces régimes de musculation seraient souvent suivis d’un cycle de sevrage, se terminant généralement par une thérapie postcycle visant à restaurer la production endogène d’androgènes, et donc la spermatogénèse, à l’aide d’antiestrogènes (clomifène) et d’hormone chorio-gonadotrophique (hCG). Les SAA sont également souvent combinés à d’autres drogues de « performance » comme des diurétiques, l’insuline, l’hormone de croissance, des stimulants, des hormones thyroïdiennes, des inhibiteurs de l’aromatase et des suppléments protéiniques.

Effets physiologiques et secondaires des SAA

Les effets physiologiques directs de la testostérone et des SAA sont bien connus. Il stimule l’érythropoïèse rénale, la lipolyse, la synthèse de protéine, la sécrétion sébacée, la croissance pilaire et la libido. L’augmentation de la masse musculaire est certainement le résultat principal.
Les effets indirects ne doivent pas être sous-estimés. L’acné, l’alopécie et des symptômes urétraux attribuables à une hypertrophie de la prostate sont habituellement causés par l’effet androgénique des SAA. La dysfonction érectile et la perte de libido suivent souvent la période de sevrage aux SAA, accompagnée d’une basse de la testostérone endogène. Des niveaux élevés de testostérone durant les programmes causent parfois une gynécomastie (développement anormal des glandes mammaires). Les effets hépatiques sont le plus souvent associés aux SAA oraux, comme la jaunisse, le cancer du foie (carcinome hépatocellulaire) et la tumeur de Wilms. D’autres conséquences graves touchent le système cardio-vasculaire avec des risques accrus de mortalité (4.6 fois plus élevé), d’hypertension et d’arythmie cardiaque. Des insuffisances rénales secondaires à une rhabdomyolyse (destruction des muscles) ont été rapportées.
Des réactions psychiatriques ont également été notées comme des comportements agressifs, la dépression, une humeur variable, une libido altérée et même des psychoses aiguës.

Effets nocifs sur la fertilité masculine

Une infertilité causée par l’administration de SAA se présente le plus souvent sous la forme d’oligospermie (numération diminuée de spermatozoïdes) ou d’une azoospermie (absence complète de spermatozoïdes), accompagnée d’anomalies de mobilité et de morphologie des spermatozoïdes. La spermatogénèse reprend progressivement 4 à 12 mois après la discontinuation du régime. Les effets négatifs peuvent toutefois persister plus longtemps. Par un rétrocontrôle négatif sur l’axe hypothalamo-hypophysaire, les niveaux de FSH et LH sont bas et mènent lors d’une exposition prolongée également à une atrophie testiculaire.
L’infertilité induite par les SAA et qui persiste malgré leur cessation nécessite l’utilisation d’inducteurs de la spermatogénèse comme des agents oraux ou des gonadotrophines injectables (ou leurs analogues) : hCG, gonadotrophines de femmes ménopausées (hMG) ou FSH recombinante. L’utilisation d’agents oraux ou d’hCG seule peut parfois suffire.
Dans certains cas, la spermatogénèse ne pourra jamais être recouvrée et la stérilité sera permanente.

Conclusion

En plus de leurs effets secondaires sur d’autres organes, les SAA  peuvent avoir des conséquences graves sur le système reproducteur masculin, allant jusqu’à la suppression complète et parfois irréversible de la production de spermatozoïdes. On devrait fortement en décourager l’utilisation à des fins non médicales.
Si vous espérez un jour avoir des enfants dans votre vie, n’utilisez pas de stéroïdes anabolisants et androgéniques!

 

Publié le 17 novembre 2020 dans Stéroïdes anabolisants | Infertilité | Infertilité masculine

Dr Pierre Miron
Par : Dr Pierre Miron PhD, MD, FRCSC, Fertologue, Gynécologue

Le Dr Pierre Miron jouit d’une réputation internationale en fertilité, reproduction et assistance médicale à la procréation. Ce visionnaire a fondé trois programmes de fécondation in vitro au Québec au cours des 30 dernières années. Grâce à son centre privé de génétique humaine spécialisé dans le domaine de la reproduction, il a rendu accessible à toutes les femmes enceintes un programme unique de dépistage prénatal pour la trisomie 21 – un service auparavant inexistant au Québec. Le Dr Miron s’est toujours impliqué activement et publiquement pour la cause des couples infertiles. Il a notamment contribué à mettre en place l’Association infertilité Québec (ACIQ).

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