Ce que nous savons aujourd’hui et ce qui est accepté
Au cours des 40 dernières années, il y a eu une augmentation du nombre d’études et de méta-analyses investiguant l’effet potentiel des produits chimiques perturbateurs endocriniens (PE) sur la fertilité. Aujourd’hui, il est connu qu’il existe de nombreux facteurs environnementaux et professionnels qui peuvent affecter la fertilité et la capacité de fécondité pendant la période de conception. Il est admis que la plupart des PE interfèrent avec l’action des hormones stéroïdes; affectant principalement les voies de signalisation des hormones œstrogènes, androgènes et thyroïdiennes. Une perturbation dans le contrôle homéostatique normal de ces hormones stéroïdes peut avoir un impact considérable sur des processus moléculaires spécifiques, altérant une ou plusieurs fonctions biologiques.
Comment les perturbateurs endocriniens (PE) interagissent avec les systèmes reproducteurs
Certains PE peuvent interagir avec les systèmes reproducteurs masculins et féminins, entraînant une perturbation endocrinienne dans les testicules et les ovaires. Bien que les PE aient divers mécanismes d’action, ils exercent leurs effets principalement via la liaison aux récepteurs des facteurs de transcription. Pendant l’âge reproductif optimal, les PE peuvent altérer l’expression et l’activité des enzymes nécessaires à la synthèse et au catabolisme des stéroïdes sexuels testiculaires et ovariens. De plus, ces produits chimiques peuvent affecter l’expression des récepteurs hormonaux et leur capacité à se lier aux ligands endogènes. Par exemple, chez les hommes, la littérature a signalé une corrélation négative entre la spermatogenèse perturbée et des facteurs de mode de vie tels que la consommation d’alcool, le tabagisme, la consommation de drogues et l’obésité causée par un régime alimentaire riche en énergie. Chez les femmes, l’impact négatif des PE sur l’infertilité a été principalement étudié chez les animaux. De nombreux troubles ont été décrits, tels que qu’un volume ovarien diminué, une folliculogenèse altérée, des taux d’aneuploïdie élevés et une accélération de l’atrésie folliculaire. En effet, les femmes exposées à certains pesticides perturbateurs endocriniens (tels que l’atrazine, le lindane) présentent un risque accru de cycles menstruels longs, d’anovulation, d’insuffisance ovarienne prématurée et d’endométriose.
Impact sur la placentation, le développement fœtal, les fausses couches récurrentes et l’infertilité féminine
Notre propre expérience, dans une clinique de FIV de la région de Picardie en France, a permis d’observer que l’exposition à divers pesticides, ayant une action perturbatrice endocrinienne, est associée à une mauvaise qualité des ovocytes (maturation et compétence), des défauts embryonnaires et de mauvais résultats en FIV. De plus, certains composés de pesticides ont été liés à des causes spécifiques d’infertilité féminine, telles que l’insuffisance ovarienne prématurée, le syndrome des ovaires polykystiques et l’endométriose. Il a été rapporté que les perturbateurs endocriniens peuvent réduire les taux d’implantation embryonnaire, augmenter les chances de fausse couche et augmenter l’incidence d’anomalies placentaires et néonatales. Les perturbateurs endocriniens peuvent affecter la réceptivité de l’endomètre, conduisant à un échec d’implantation, en modifiant des éléments clés de la réponse immunitaire pertinents pour la grossesse et la tolérance immunitaire. Cela peut avoir un effet néfaste sur la placentation, le développement fœtal et peut être un facteur de risque contribuant aux fausses couches récurrentes, à la prééclampsie et à l’accouchement prématuré.
Produits chimiques perturbateurs endocriniens, ADN et risque de maladie
Pendant la grossesse, l’exposition aux perturbateurs endocriniens pendant des périodes critiques du développement fœtal peut altérer les motifs de méthylation de l’ADN, entraînant une expression inappropriée de gènes de développement et un risque accru de maladies. De plus, les perturbateurs endocriniens peuvent influencer l’expression des gènes sans modifier les séquences d’ADN. Il est communément accepté que l’héritage transgénérationnel des traits acquis par les parents est transmis par des altérations épigénétiques également connues sous le nom d' »épimutations ».
Conclusion
En conclusion, l’impact négatif de l’exposition à divers produits chimiques perturbateurs endocriniens devient un problème de santé publique mondial. En effet, la communauté devrait être informée de la diminution de la fertilité, des faibles taux de grossesses en cours et du risque accru de fausse couche associés à l’exposition à des doses élevées, par exemple, de pesticides, . En terminant, il est important de garder à l’esprit que les êtres humains sont exposés chaque jour à des mélanges de perturbateurs endocriniens composés de centaines de produits chimiques, et donc pas à un seul produit chimique isolé.
Références
Moncef Benkhalifa (1,2,3), Debbie Montjean (2), Hafida Corsi-Cauet (3), Henri Copin (1,3), Véronique Bach (3), Pierre Miron (2), Rosalie Cabry (1,3)
- Médecine de la reproduction et génétique de la reproduction, Centre Hospitalier Universitaire et École de Médecine. Université de Picardie Jules Verne. Amiens, France
- Centres d’aide médicale à la procréation Fertilys, Laval et Brossard, Laval, Québec, Canada
- Laboratoire PERITOX. Université de Picardie Jules Verne. Amiens, France
Publié le 26 mai 2023 dans Recherche | Procréation | Diagnostic prénatal | Fécondation in vitro | Fausses couches à répétition | Mode de vie