Chimiothérapies : les traitements reçus par le père affectent-ils la santé de ses enfants?

Chimiothérapies et fertilité masculine

Chez les hommes traités pour un cancer, les problèmes de fertilité sont l’un des effets secondaires à long terme possibles associés au traitement. En effet, des études ont montré que les hommes survivants de cancer ont plus de difficulté à concevoir et ont davantage recours aux techniques de procréation assistée. Cependant, il est actuellement impossible de prédire quels hommes pourraient être touchés; cela dépend du type de cancer, des doses et des composés de chimiothérapies reçus, ainsi que de facteurs génétiques. La cryoconservation de spermatozoïdes avant les traitements de chimiothérapies est actuellement la seule option préventive disponible pour les patients qui planifient fonder une famille.

Pourquoi les chimiothérapies affectent-elles la fertilité masculine?

Les chimiothérapies tuent les cellules cancéreuses qui se multiplient, mais certaines cellules saines en multiplication peuvent également être touchées. C’est le cas des cellules germinales présentes dans le testicule, qui sont à l’origine de la production de spermatozoïdes. En effet, au cours du traitement de chimiothérapie, la production de spermatozoïdes peut être diminuée ou arrêtée chez certains patients. Cependant, lorsque des cellules germinales survivent, certains hommes peuvent regagner leur fertilité avec le temps.
Bien qu’une cellule germinale puisse survivre au traitement de chimiothérapie, il est possible que son ADN ait été endommagé. Les chimiothérapies sont des agents mutagènes, c’est-à-dire qu’ils causent des dommages ayant le potentiel d’induire des mutations dans l’ADN. Mais, qu’arrive-t-il quand ces mutations se trouvent dans les cellules germinales, qui produiront les spermatozoïdes ? Les spermatozoïdes sont les messagers qui contiennent toute l’information génétique nécessaire pour concevoir un enfant en santé. D’éventuelles erreurs d’informations génétiques pourraient-elles affecter la santé des enfants dont le père a été traité avec des chimiothérapies?

5 points à retenir

  1. Les chimiothérapies peuvent affecter la capacité des hommes à concevoir.
  2. Les chimiothérapies pourraient modifier l’information génétique contenue dans les spermatozoïdes.
  3. Les études expérimentales montrent des effets négatifs chez les rongeurs nés de pères ou de grandes-pères exposés aux chimiothérapies.
  4. Les études dans la population humaine ne montrent pas de conséquences majeurs pour les enfants d’hommes survivants de cancer.
  5. Les évidences actuelles suggèrent que le risque pour la santé des enfants n’est pas assez grand pour déconseiller aux hommes survivants d’avoir recours à la procréation assistée.

Que sait-on sur la santé des enfants dont le père a été traité avec des chimiothérapies?

C’est sur cette question que s’est penché la récente revue de littérature du laboratoire de la Pre Géraldine Delbès à l’INRS – Institut Armand-Frappier de Laval. Cette revue regroupe les données tirées d’études expérimentales (chez les rongeurs) et épidémiologiques (dans la population humaine).

Les études chez les rongeurs

Les modèles animaux permettent d’étudier les effets d’un composé de chimiothérapie. Quand des rongeurs mâles sont exposés à des chimiothérapies (seules ou en combinaison), un impact sur leur descendance peut être observé, selon le type et la dose de chimiothérapie. Les fortes doses d’agents de chimiothérapies alkylants seraient les plus susceptibles d’induire des effets négatifs. Par exemple, une étude a observé une baisse de capacité d’apprentissage chez les descendants une fois rendus à l’âge adulte. Certains effets persisteraient même chez les petits-enfants et arrières petits-enfants des rongeurs mâles traités aux chimiothérapies. Toutefois, les différences biologiques rongeur-homme invitent à rester prudent quant à l’extrapolation de ces résultats à l’humain.

Les études dans la population humaine

L’étude des effets de chaque agent de chimiothérapie chez l’humain est plus complexe, car ils sont généralement utilisés en combinaison. Bien que les survivants de cancer ont plus de difficulté à concevoir, il semblerait que les chimiothérapies n’ont pas de conséquences significatives sur la santé de leurs enfants en terme de risque de mortalité post-natale, de malformations congénitales ou de taux d’hospitalisation. Par contre, il y a peu de suivi médical particulier pour les enfants des survivants de cancer.
Afin de mieux conseiller les patients dans leur projet familial, des études complémentaires sont nécessaires pour s’assurer de l’absence d’effets plus subtils sur la santé à long terme de leur descendance sur plusieurs générations.

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Amélie Tremblay, B.Sc et Hermance Beaud, M.Sc

Référence :

Tremblay, A., Beaud, H. & Delbes, G. Effets transgénérationnels des chimiothérapies : l’exposition du père influence-t-elle la santé des générations futures? Gynécologie Obstétrique et Fertilité, volume 45; 11, p.609-618, novembre 2017. https://authors.elsevier.com/c/1W2VG8nKbg7RV- 
Référence de l’image:
https://pixabay.com/fr/acide-d%C3%A9soxyribonucl%C3%A9ique-dns-1500068/

Publié le 4 décembre 2017 dans Fertilité | Infertilité masculine | Préservation de la fertilité

Dr Pierre Miron
Par : Dr Pierre Miron PhD, MD, FRCSC, Fertologue, Gynécologue

Le Dr Pierre Miron jouit d’une réputation internationale en fertilité, reproduction et assistance médicale à la procréation. Ce visionnaire a fondé trois programmes de fécondation in vitro au Québec au cours des 30 dernières années. Grâce à son centre privé de génétique humaine spécialisé dans le domaine de la reproduction, il a rendu accessible à toutes les femmes enceintes un programme unique de dépistage prénatal pour la trisomie 21 – un service auparavant inexistant au Québec. Le Dr Miron s’est toujours impliqué activement et publiquement pour la cause des couples infertiles. Il a notamment contribué à mettre en place l’Association infertilité Québec (ACIQ).

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