Le cannabis et ses conséquences en fertilité
Certains couples infertiles, qui consomment régulièrement du cannabis (marijuana), se sentent parfois jugés, voire heurtés, lorsque lors de la première consultation médicale, le médecin leur demande de cesser cette consommation et d’aller chercher de l’aide en présence d’une dépendance. Cette demande est pourtant bel et bien fondée scientifiquement.
De nos jours, environ 17% des couples sont incapables de concevoir. L’infertilité est en hausse puisque sa prévalence n’était que de 5% dans les années 80’. Face à cette augmentation du taux d’infertilité, une attention particulière est de plus en plus accordée aux mauvaises habitudes de vie et à l’exposition régulière à des toxiques environnementaux qui peuvent être évitées et qui nuisent à la reproduction humaine, particulièrement la consommation de marijuana.
Aux États-Unis, on estime à plus de 17 millions, le nombre de consommateurs de marijuana avec 4,6 millions qui avouent en consommer presque quotidiennement. Jusqu’à 22% des hommes qui ont l’intention d’avoir des enfants affirment en avoir consommé au cours des 12 derniers mois. À la différence du tabac, le cannabis a une élimination très lente et ses effets délétères sont plus importants. La demi-vie de son ingrédient psychoactif, le tétrahydrocannabinol (THC), métabolisé par le foie, varie de 20 à 36 h chez les utilisateurs occasionnels à 4 à 5 jours chez les gros consommateurs. Il peut exiger 30 jours pour son élimination complète du corps.
Impact sur la fertilité masculine
De nombreuses études confirment l’effet négatif de la marijuana sur la qualité du sperme. Les jeunes hommes qui déclarent son utilisation quotidienne affichent une concentration significativement plus faible de spermatozoïdes par rapport aux non-utilisateurs, tandis que leur niveau sanguin de testostérone est plus élevé. La consommation plurihebdomadaire de cannabis entraîne sur 5 ans non seulement une diminution du volume et du nombre de spermatozoïdes, mais également une atteinte de leur morphologie et de leur mobilité ainsi qu’une diminution de leur pouvoir fécondant.
Impact sur la fertilité féminine
Très peu de données scientifiques existent à propos de l’effet du cannabis sur la fertilité féminine. Chez la souris, le THC supprime la sécrétion d’hormones impliquées dans la physiologie de l’ovulation comme l’hormone folliculo-stimulante (FSH), l’hormone lutéinisante (LH) et la prolactine et retarde de 24 heures l’ovulation.
Impact en grossesse
Le cannabis est la drogue la plus consommée en grossesse. Son ingrédient psychoactif, le THC, traverse librement le placenta et est présent dans le lait maternel. De 1.4% à 4.6% des femmes avouent consommer de la marijuana pendant leur grossesse, son usage étant significativement plus fréquent au premier qu’au troisième trimestre.
Chez la souris, des études confirment l’effet embryotoxique et foetotoxique de la marijuana, même à de faibles doses. Chez l’humain, sa consommation pendant la grossesse a été associée à un retard de croissance fœtale, à un faible poids à la naissance, à la prématurité ainsi qu’à des effets néfastes sur le développement neurologique du fœtus.
Le cannabis affecte directement la physiologie du placenta, en altérant la viabilité de ses cellules, leur différenciation et le transport des nutriments. Il est maintenant prouvé que le THC interfère avec la signalisation cellulaire dans le placenta. Toutes ces données indiquent que la consommation de cannabis a des conséquences néfastes sur la placentation humaine.
Encore plus préoccupants sont les effets à long terme de l’exposition in utero au cannabis sur la croissance et le développement neurologique de l’enfant, notamment en termes cognitif et comportemental. Les données chez l’humain et chez l’animal indiquent une interférence du THC sur le système endocannabinoïde qui perturbe le développement neurobiologique normal, en particulier la maturation des neurotransmetteurs et la survie neuronale. Des troubles d’apprentissage associés à une exposition in utero au cannabis ont été identifiés chez les enfants dès l’âge de 6 ans, interférant significativement avec leur réussite scolaire. On note également chez ces enfants des problèmes de mémoire visuelle, phénomènes qui semblent en fait persister bien au-delà de l’enfance et de l’adolescence.
Les effets à long terme d’une exposition in utero au cannabis ont d’ailleurs été récemment explorés en utilisant l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. Il a été ainsi démontré, chez les jeunes adultes de 19 à 21 ans, que l’exposition in utero au cannabis cause une augmentation significative de leur activité neuronale et ce, dans de nombreuses régions cérébrales et cérébelleuses. L’exposition prénatale à la marijuana est également associée à l’âge adulte à plus de déficits d’attention, d’impulsivité, des problèmes de comportement, de dépression, de délinquance et d’initiation précoce au cannabis.
Toutes ces données sont particulièrement importantes dans le contexte d’une légalisation imminente de la marijuana au Canada et en conséquence, de sensibiliser les gouvernements qu’il est important d’informer adéquatement la population sur ses effets délétères en reproduction humaine.
Publié le 2 décembre 2020 dans Fertilité | Infertilité | Infertilité masculine
Le Dr Pierre Miron jouit d’une réputation internationale en fertilité, reproduction et assistance médicale à la procréation. Ce visionnaire a fondé trois programmes de fécondation in vitro au Québec au cours des 30 dernières années. Grâce à son centre privé de génétique humaine spécialisé dans le domaine de la reproduction, il a rendu accessible à toutes les femmes enceintes un programme unique de dépistage prénatal pour la trisomie 21 – un service auparavant inexistant au Québec. Le Dr Miron s’est toujours impliqué activement et publiquement pour la cause des couples infertiles. Il a notamment contribué à mettre en place l’Association infertilité Québec (ACIQ).